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La question qui tue: «As-tu 18 ans, toi?»

La question qui tue: «As-tu 18 ans, toi?»
AFP


Celui ou celle qui pose la question se fie au fait qu’on lui répondra franchement.

Souvent, on ne pose même pas la question. À moins que la personne qu’on interroge ait l’air d’avoir 10 ou 12 ans. À la SAQ, à la SQDC ou dans les débits de boisson, c’est l’enfance de l’art de vérifier l’âge du client. Celui-ci n’a qu’à présenter son permis de conduite ou sa carte d’assurance-maladie. Sur Internet, c’est beaucoup plus compliqué.

En Floride, à partir du 1er janvier prochain, la loi interdira aux enfants de 13 ans et moins d’accéder aux réseaux sociaux. Ceux de 14 et 15 ans y auront accès seulement avec l’autorisation de leurs parents. D’autres États américains veulent aussi réglementer l’accès aux réseaux sociaux et aux sites pornographiques. Mais comment y arriver sans enfreindre la sacro-sainte protection de la vie privée?

À Ottawa, deux projets de loi font actuellement débat. L’un d’eux, le projet C-63 sur les préjudices en ligne, est présenté par le gouvernement, et l’autre, le projet S-210, est le bébé de la sénatrice Julie Miville-Dechêne. Le projet de celle-ci exigerait que les sites pornos ne soient plus accessibles aux moins de 18 ans.

UNE LEVÉE DE BOUCLIERS

Devant la difficulté de connaître l’âge des internautes, le gouvernement libéral a finalement reculé. Les deux ministres concernés par la question, David Lametti et Steven Guilbeault, devaient présenter une loi obligeant les sites pornos à s’assurer que leurs adeptes avaient 18 ans, mais leur projet est mort au feuilleton à cause des élections. On suggérait que les sites pourraient recourir à la reconnaissance faciale ou connaître notre âge en communiquant avec un service gouvernemental.

La levée de boucliers contre cette éventuelle violation de la vie privée fut telle qu’Arif Virani, le nouveau ministre de la Justice, a ignoré toute question d’âge dans son projet de loi sur les préjudices en ligne. Il reste néanmoins ouvert à toute suggestion concernant la vérification de l’âge des internautes.

De son côté, la sénatrice Miville-Dechêne ne s’enfarge pas dans les fleurs du tapis. Dès l’automne 2021, elle a présenté son propre projet de loi qui exige que les sites pornos ne soient plus accessibles aux moins de 18 ans. Il faudra donc vérifier l’âge. Le 18 avril 2023, le Sénat a approuvé son projet en troisième lecture. Après avoir été adopté en deuxième lecture aux Communes le 13 décembre dernier, le projet de la sénatrice est maintenant examiné en comité.

DES ADVERSAIRES DE TAILLE

Ses adversaires ne manquent pas. Ils ont à leur tête l’ineffable Michael Geist de l’Université d’Ottawa et, surtout, la célèbre romancière Margaret Atwood. Elle voit poindre le spectre hideux de la censure dans les deux projets. Les députés fédéraux sont divisés. Rhéal Fortin, critique du Bloc en matière de justice, juge que la vérification de l’âge est primordiale pour accéder aux sites pornos. C’est aussi l’opinion de presque tous les députés conservateurs, du NPD et de plusieurs libéraux.

Comme les sites pornos eux-mêmes craignent des règles encore plus strictes, ils sont d’accord pour restreindre l’accès à leurs plateformes aux 18 ans et plus. À la condition que tous les sites pornos soient soumis aux mêmes règles! Les patrons de Pornhub croient même être les mieux placés pour vérifier l’âge de leur clientèle. Ils proposent de le faire au moment des abonnements ou lors des mises à jour de leurs logiciels.

Peut-on les croire?

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